«Les informations postées sur Facebook ne relèvent pas de la correspondance privée»

25 novembre 2009 par Medhi Rabah Laisser une réponse »

http://www.lefigaro.fr/web/2009/11/25/01022-20091125ARTFIG00073-quand-facebook-piege-les-fraudeurs-.php

Comment Facebook aide les Etats à piéger les fraudeurs
Cécilia Gabizon

25/11/2009 | Mise à jour : 12:50 | Commentaires 53 | Ajouter à ma sélection
Les assureurs pourraient être tentés de vérifier si les voitures déclarées
volées n’apparaissent pas sur les écrans, dans les blogs ou sur les profils.
Les assureurs pourraient être tentés de vérifier si les voitures déclarées
volées n’apparaissent pas sur les écrans, dans les blogs ou sur les profils.
Crédits photo : Le Figaro Les informations contenues sur les réseaux sociaux
sont de plus en plus utilisées par les administrations.

Avis aux fraudeurs : à tout moment, Facebook peut vous trahir. Une Canadienne
en dépression vient d’en faire l’expérience. Son assurance privée lui a
supprimé ses mensualités, «car des photos (la) montraient heureuse sur son
profil  », affirme-t-elle, tandis que la société assure qu’elle disposait
d’autres éléments étayant la guérison. Faut-il désormais se méfier de ses
«amis», ces «friends» que l’on autorise à fréquenter sa page personnelle, et
soupçonner parmi leur longue liste la présence masquée de son assureur, de son
banquier ou de son employeur venus puiser des informations que l’on croyait
intimes ?

En France, la caisse d’allocations familiales (CAF) s’en tient, pour
l’instant, aux contrôles habituels et aux enquêtes de voisinage. «Nous ne
sommes ni équipés pour surveiller le Net ni tentés. Cela nous semble une
intrusion exagérée», précise-t-on à la CAF. De son côté, la Sécurité sociale a
effectué 1,6 million de contrôles de «personnes en congé maladie» à leur
domicile et assure ne pas avoir recours à l’Internet. Mais si, à ce jour, «il
n’existe pas de veille organisée des réseaux sociaux en France, nous pouvons
utiliser ponctuellement ce support pour dépister un abus, une fraude notamment
fiscale», affirme Benoît Parlos, qui dirige la mission interministérielle de
lutte contre la fraude. Bercy s’intéresse d’ailleurs aux «expériences
conduites à l’étranger», où la tentation de faire la preuve par Facebook
prospère.

En Norvège, une jeune femme qui disait élever seule ses deux enfants, mais se
présentait en concubinage sur un site de sociabilisation, a ainsi été
condamnée à six mois de prison ferme après qu’une enquête en bonne et due
forme eut confirmé qu’elle n’était pas célibataire. Dans ce pays, on considère
les informations recueillies sur les réseaux sociaux non comme des éléments de
preuve mais comme de simples indices de fraude. En Belgique, le conseil en
charge des fraudes aux examens a estimé que l’aveu de triche de deux étudiants
qui s’en vantaient sur leur profil Facebook tenait lieu de preuve.

Mais les documents numériques peuvent nourrir une accusation comme innocenter.
Soupçonné d’une agression à New York, Rodney Bradford a été libéré, entre
autre, grâce à un alibi électronique. Il avait posté un message sur Facebook
depuis l’ordinateur de son père au moment du crime. Dans l’entreprise,
l’utilisation des réseaux sociaux à des fins de contrôle s’étend. Les
assureurs pourraient notamment être tentés de vérifier si les voitures
déclarées volées n’apparaissent pas sur les écrans, dans les blogs ou sur les
profils. «Pour l’instant, les sociétés sont encore rebutées par le coût de
cette surveillance externe. Mais c’est l’avenir», estime Mouloud Dey,
directeur de la stratégie de SAS, qui fournit des outils informatiques de
contrôle.

Presque la moitié des recruteurs américains avouent fouiller les profils des
candidats. Pour éviter ces dérapages en France, Alain Gavan, du cabinet de
recrutement A Compétence Égale, propose de ne consulter que les réseaux
professionnels. Ce code de bonne conduite reste difficile à vérifier. «Les
employeurs n’utilisent qu’indirectement ce qu’ils récoltent sur le Net»,
explique l’avocat du travail Roger Koskas. Car le document numérique n’est
qu’un élément de preuve et doit être recueilli dans des conditions strictement
encadrées. «Les informations du Net nourrissent plutôt les dossiers internes»,
précise Roger Koskas.

Alors que la jurisprudence s’élabore, le statut des éléments relevés sur les
réseaux sociaux demeure sujet à discussion. Pour le juriste Alain Bensoussan,
par exemple, ils ne sont pas protégés par le respect de la vie privée. Afin de
clarifier le statut des confidences postées sur les profils, Nathalie
Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État chargée du développement de l’économie
numérique, insiste : «L’internaute doit savoir, quand il écrit, s’il est dans
la sphère privée ou publique», avant de conclure : «Dans l’immédiat, il faut
se souvenir que le seul document confidentiel sur le Net est celui que l’on ne
poste pas.»

«Les informations postées sur Facebook ne relèvent pas de la correspondance
privée»

Questions à Alain Bensoussan, spécialiste du droit de l’informatique

Facebook est-il un espace privé, comme l’intérieur d’une maison ?

Non, Facebook n’est pas un espace privé. C’est, à l’inverse, un lieu de
publication. Comme si l’on se trouvait dans une rue, dans une zone publique
d’affichage. Les personnes sont exposées à la vue de tous. Ce qu’elles
montrent les engage. Comme leur comportement pour­rait avoir des conséquences
sur la voie publique.

Certaines informations sont cependant réservées aux «amis».

La notion de «friend», d’ami est ambiguë. Car les messages postés sur Facebook
ne sont pas clairement adressés à un destinataire. Ces informations ne
relèvent pas, comme le SMS ou le mail personnel, de la correspondance privée.
Il n’y a pas forcément violation de «privacité» lorsqu’on lit un Facebook. La
notion traditionnelle de vie privée ne fonctionne pas complètement sur les
réseaux sociaux.

Faut-il conclure que ce que nous écrivons sur les profils des réseaux sociaux
peut être à tout moment retenu contre nous ?

Je le pense. Même si, en France, nous n’avons pas encore de jurisprudence. Il
n’est pas choquant que les organismes de prestations sociales ou les
compagnies d’assurances vérifient si leurs bénéficiaires fraudent. Si elles
aperçoivent un «malade» en train de skier, sur une photo postée sur son
profil, et si l’information est véridique, alors le support de publication est
neutre.

Ne court-on pas le risque d’un espionnage généralisé des individus ?

C’est une crainte. C’est pourquoi l’utilisation des réseaux sociaux dans la
lutte contre la fraude ne doit se faire que lorsqu’il existe un faisceau de
présomptions. La recherche doit être légitime et proportionnée. On ne peut pas
surveiller des catégories entières de population. L’enquête est possible,
l’espionnage interdit. Enfin, le droit doit évoluer pour mieux protéger les
internautes.

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